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l’esclavage, signala sa valeur et fit éclater la leur dans les combats livrés aux tribus voisines. Mais lorsqu’il osa demander en mariage la fille du khan, on rejeta avec dédain cette insolente proposition d’un esclave et d’un artisan. L’alliance beaucoup plus noble d’une princesse de la Chine, qu’il épousa ensuite, le consola de ce dédain ; et la bataille qui anéantit presque totalement la nation des Geougens établit dans la Tartarie l’empire plus redoutable des Turcs. Ils régnèrent sur le Nord ; mais leur attachement fidèle à la montagne de leurs aïeux fut de leur part un aveu de la vanité des conquêtes. Le camp de leur roi s’éloignait rarement hors de la vue du mont Altaï, d’où l’Irtish descend pour arroser les riches pâturages des Kalmouks[1], qui nourrissent les moutons et les bœufs les plus gros du monde entier. Le sol en est fertile, et le climat doux et tempéré. Cet heureux pays ne connaissait ni les tremblemens de terre, ni la peste ; le trône de l’empereur était tourné vers l’orient, et un loup d’or, élevé sur une pique, semblait garder l’entrée de sa tente. Un des successeurs de Bertezena fut tenté d’imiter le luxe et la superstition de la Chine ; mais le simple bon sens d’un de ses conseillers barbares le fit renoncer au projet de bâtir des villes et des temples. « Les Turcs, lui dit celui-ci,

  1. Le pays des Turcs, aujourd’hui le pays des Kalmouks, se trouve bien décrit dans l’Hist. généalogique, etc. (p. 521-552.) Les notes curieuses du traducteur français ont été étendues et mises en ordre dans le second volume de la version anglaise.