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et les Turcs, la portion la plus méprisée des esclaves du grand khan des Geougens, y travaillaient le fer pour les usages de la guerre[1]. Mais leur servitude ne pouvait durer que jusqu’à l’époque où un chef audacieux et éloquent persuaderait à ses compatriotes que ces armes, qu’ils forgeaient pour leurs maîtres, pouvaient devenir en leurs mains les instrumens de la liberté et de la victoire. Ils sortirent en effet de leurs montagnes[2], et un sceptre fut la récompense de cet avis. Chaque année on chauffait un morceau de fer ; le prince et les nobles maniaient successivement un marteau de forgeron ; et cette cérémonie transmit d’âge en âge l’humble profession et l’orgueil raisonnable des premiers Turcs. Bertezena, qui les tira de

  1. La Sibérie fournit le fer le meilleur et le plus abondant du monde entier, et les Russes exploitent plus de soixante mines dans les parties méridionales de cette province. (Strahlenberg, Hist. de Sibérie, p. 342, 387) ; Voyage en Sibérie, par l’abbé Chappe d’Auteroche, p. 603-608, éd. in-12, Amsterdam, 1770. Les Turcs offraient de vendre du fer aux Romains ; cependant les ambassadeurs romains, par une étrange obstination, persistèrent à croire que c’était un artifice, et que leur pays n’en produisait point. Menander, in Excerpt. legat., p. 52.
  2. De Irgana-Kon (Abulghazi-khan, Hist. généalog. des Tatars, part. II, c. 5, p. 71-77 ; c. 15, p. 155). La tradition qu’ont conservée les Mogols des quatre cent cinquante années qu’ils passèrent dans les montagnes, est d’accord avec les époques chinoises de l’Histoire des Huns et des Turcs (de Guignes, t. I, part. 2, p. 376), et des vingt générations qui s’écoulèrent depuis leur établissement jusqu’à Zingis.