Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 8.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de la loi, contraire à la raison et aux idées des peuples polis, donnait à la mère de famille (bien qu’on la nommât ainsi)[1] le caractère de sœur de ses propres enfans, et de fille de son mari ou de son maître, qui, en cette qualité, acquérait toute la plénitude du pouvoir paternel : il approuvait, il censurait, il punissait la conduite de sa femme, d’après sa volonté, ou plutôt d’après son caprice : il exerçait un droit de vie et de mort applicable aux cas d’adultère ou d’ivrognerie[2]. Les biens qu’elle acquérait ou dont elle héritait, appartenaient à son maître, et la femme se trouvait bien clairement comprise dans la classe des choses, et non dans celle des personnes, puisqu’à défaut de titre originaire, on pouvait la réclamer ainsi que les autres meubles, d’après l’usage et la possession d’une année entière. À Rome, le devoir conjugal, que les lois d’Athènes et les lois juives avaient fixé avec tant de soin[3], dépendait du mari ;

  1. Aulu-Gelle (Noctes Atticæ, XVIII, 6) donne une définition ridicule d’Elius Melissus, Matrona quæ semel, materfamilias quæ sæpius peperit, comme s’il s’agissait d’une porcetra et d’une scropha. Il donne ensuite le véritable sens : Quæ in matrimonium vel in manum convenerat.
  2. C’était assez d’avoir goûté du vin ou dérobé la clef du cellier. (Pline,Hist. nat., XIV, 14.)
  3. Solon exige qu’on remplisse le devoir conjugal trois fois par semaine. La Mishna l’ordonne une fois par jour à un mari qui ne travaille point, qui est jeune et vigoureux. Elle le fixe à deux fois par semaine pour l’habitant de la ville, à une fois pour un paysan, à une fois tous les trente jours pour un conducteur de chameaux, et une fois tous les six