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témoignages discordans embarrassaient la conscience des juges ; et un nom respectable venait à l’appui de tous les décrets que leur suggéraient la passion et l’intérêt. Un édit commode de Théodose le jeune les dispensa du soin de comparer et de peser les argumens des jurisconsultes. Cinq d’entre eux, Caïus, Papinien, Paul, Ulpien et Modestinus, furent proclamés les oracles de la jurisprudence. L’opinion de trois d’entre eux était décisive ; mais, dans le cas où chacun aurait un avis particulier, on accorda une voix prépondérante à la sagesse supérieure de Papinien[1].

Réforme des lois romaines par Justinien. A. D. 527, etc.

Lorsque Justinien monta sur le trône, la réforme des lois romaines était devenue un travail indispensable, mais difficile. Dans l’espace de dix siècles, le nombre infini des lois et des opinions des jurisconsultes avait rempli des milliers de volumes que l’homme le plus riche ne pouvait acheter, et que la tête la plus vaste ne pouvait contenir. On ne se procurait pas aisément des livres ; et les juges, pauvres au milieu de tant de richesses, étaient réduits à prononcer d’après leur prudence mal instruite. Les sujets

  1. Voyez le Code Théodosien (l. I, tit. 4) avec le Commentaire de Godefroy (t. 1, p. 30-35). Ce décret pouvait occasionner des discussions jésuitiques, pareilles à celles qu’on trouve dans les Lettres provinciales : on pouvait demander si un juge était obligé de suivre l’opinion de Papinien ou de la majorité, contre son jugement et contre sa conscience, etc. Au reste, un législateur pouvait donner à cette opinion, fausse en elle-même, la valeur, non pas de la vérité, mais de la loi.