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suadés, d’après des expériences mal faites et en trop petit nombre, que l’entretien le plus rapproché avec un pétisféré ne pouvait communiquer la maladie[1] ; et cette confiance soutint peut-être l’assiduité des amis ou des médecins auprès des malades, qu’une prudence inhumaine aurait condamnés à la solitude et au désespoir. Mais cette fatale sécurité, produisant sous un autre rapport le même effet que la prédestination des Turcs, favorisa les progrès de la contagion ; et le gouvernement de Justinien ne connaissait pas les précautions salutaires auxquelles l’Europe doit sa sûreté. On ne gêna en aucune manière la communication des diverses provinces de l’empire ; les guerres et les émigrations répandirent la peste depuis la Perse jusqu’à la France, et le commerce porta dans les régions les plus éloignées le germe fatal qu’une balle de coton recèle durant des années. Procope lui-même explique le mode de sa propagation par cette remarque, que la maladie allait toujours de la côte de la mer dans l’intérieur du pays ; qu’elle visitait successivement les îles et les montagnes les plus écartées ; que les lieux qui avaient échappé à la fureur de son premier passage se trouvaient seuls exposés à la contagion de l’année sui-

    (sur la peste de Marseille, Paris, 1786) à une ville qui, malgré sa prospérité et son commerce actuels, ne contient pas plus de quatre-vingt-dix mille âmes. M. Necker, sur les Finances, t. I, p. 231.

  1. L’expérience postérieure d’Evagrius détruit ces assertions si fortes de Procope, ο‌υτε γαρ ιατρῳ ο‌υτε γαρ ιδιωτῃ.