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intérêts de la vertu et du bon ordre de la société. Rome, sous les exarques de Ravenne, n’obtint plus que le second rang. Les sénateurs toutefois eurent la permission de visiter leurs domaines situés en Italie, et d’approcher sans obstacle du trône de Constantinople. On laissa au pape et au sénat le soin de régler les poids et les mesures ; on assigna des traitemens à des jurisconsultes, médecins, orateurs et grammairiens chargés de nourrir ou de rallumer dans l’ancienne capitale le flambeau de la science. Mais en vain de bienfaisans édits émanaient de la puissance de Justinien[1] ; en vain Narsès s’efforçait de seconder ses vues en rétablissant des villes et surtout en rebâtissant des églises ; le pouvoir des rois est efficace pour détruire, et les vingt années de la guerre des Goths avaient mis le comble à la misère et à la dépopulation de l’Italie. Dès la quatrième campagne, et malgré la discipline qui régnait dans l’armée de Bélisaire, cinquante mille laboureurs étaient morts de faim[2] dans l’étroit espace du Picen-

  1. La Pragmatique sanction de Justinien, qui rétablit et règle le gouvernement civil de l’Italie, est composée de vingt-sept articles : elle est datée du 15 août, A. D. 554, et adressée à Narsès, V. J. præpositus sacri cubiculi, et à Antiochus, præfectus prætorio Italiæ : Julien Antecessor la rapporte, et elle a été insérée dans le Corpus juris civilis, après les Novelles et les Édits de Justinien, de Justin et de Tibère.
  2. La faim en fit mourir un plus grand nombre dans les provinces méridionales, sans y comprendre (εκτος) le golfe d’Ionie. Le gland y tint lieu de pain. Procope vit un or-