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ou son comte ; chacun se plaît à faire le mal et satisfait sans scrupule ses inclinations criminelles. La punition la plus modérée entraîne une sédition ; et le magistrat qui veut blâmer ou entreprendre d’arrêter leurs fureurs, soustrait rarement sa vie à leur vengeance[1]. » Il était réservé à la même nation de faire connaître par ses désordres jusqu’à quels odieux excès peut se porter l’abus de la liberté, et de suppléer à la perte de la liberté par des sentimens d’honneur et d’humanité qui allègent et honorent aujourd’hui sa soumission à un monarque absolu.

Les Visigoths de l’Espagne.

Les Visigoths avaient cédé à Clovis la plus grande partie de leurs possessions dans la Gaule ; mais ils compensèrent amplement cette perte par la conquête aisée et la jouissance tranquille des provinces de l’Espagne. La monarchie des Goths, qui comprit bientôt les Suèves de la Galice, peut être encore pour les Espagnols modernes un objet de vanité nationale : mais rien ne force ni n’invite l’historien de l’Empire romain à fouiller dans la stérile obscurité de leurs annales[2]. Les Goths de l’Espagne étaient

  1. Saint Grégoire de Tours (l. VIII, c. 30, l. II, p. 325, 326), raconte avec beaucoup d’indifférence les crimes, le reproche et l’apologie. Nullus regem metuit, nullus ducem, nullus comitem reveretur ; et si fortassis alicui ista displicent, et ea, pro longævitate vitæ vestræ, emendare conatur, statim seditio in populo, statim tumultus exoritur, et in tantum unusquisque contra seniorem, sævâ intentione grassatur, ut vix se credat evadere, si tandem silere nequiverit.
  2. L’Espagne a été particulièrement malheureuse dans ces siècles d’obscurité. Les Francs avaient un saint Grégoire