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vulgaire ; l’idiome et la prononciation teutoniques corrompirent le dialecte grossier des paysans et des soldats. Cependant la communication sociale et religieuse effaça les préjugés de naissance et de conquête ; et toutes les nations de la Gaule furent insensiblement confondues sous le nom et le gouvernement des Francs.

Anarchie des Francs.

En s’unissant aux Gaulois, les Francs auraient pu leur faire un présent bien précieux, l’esprit et le système d’une constitution libre. Sous une monarchie héréditaire, mais limitée, les chefs et les ministres pouvaient tenir leurs conseils à Paris, dans le palais des Césars. La plaine voisine, où les empereurs faisaient la revue de leurs légions mercenaires, aurait pu servir de lieu d’assemblée législative aux citoyens et aux guerriers, et le modèle grossier qui avait été ébauché dans les forêts de la Germanie[1], aurait été perfectionné par la sagesse et l’expérience des Romains ; mais les insoucians Barbares, assurés d’une indépendance personnelle, dédaignèrent les travaux du gouvernement ; ils oublièrent insensiblement les assemblées annuelles du mois de Mars, et la conquête de la Gaule désunit en quelque façon la nation victorieuse[2]. La

  1. Ce beau système a été trouvé dans les bois. Montesquieu, Esprit des Lois, l. XI, c. 6.
  2. Voy. l’abbé de Mably, Observat., etc., l. I, p. 34-56. Il semblerait que cette institution d’assemblées nationales, dont l’origine en France est aussi ancienne que la nation, n’ait jamais convenu au génie des Français.