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liens de l’hospitalité à quelque Romain obligé d’abandonner à cet hôte fâcheux les deux tiers de son patrimoine ; mais le Germain pâtre ou chasseur pouvait se contenter d’un grand bois ou d’une vaste pâture, et céder la portion la moins étendue mais la plus précieuse à l’industrie du laboureur[1]. Le défaut de titres anciens et authentiques autorise à croire que les Francs ne modérèrent ni ne déguisèrent leurs usurpations par aucune formalité légale de partage ; qu’ils se répandirent dans les provinces de la Gaule au gré de leur caprice, et que chacun de ces brigands victorieux mesurait ses nouvelles possessions avec son épée, à raison de ses besoins, de ses forces ou de son avidité. Les Barbares qui se trouvaient éloignés de leur maître pouvaient exercer ces vexations arbitraires ; mais la politique ferme et habile de Clovis dut réprimer cette licence qui, en aggravant la misère des vaincus, tendait à détruire la discipline et l’union des vainqueurs. Le fameux vase de Soissons est un garant et un monument de la régularité que

  1. Le président de Montesquieu a expliqué savamment (Esprit des Lois, l. XXX, c. 7, 8, 9, les allusions obscures qui se trouvent dans les lois des Bourguignons (tit. 54, nos 1, 2 ; t. IV, p. 271, 272), et des Visigoths (l. X, tit. I, nos 8, 9, 16 ; t. IV, p. 428, 429, 430), relativement au partage des terres. J’ajouterai seulement que parmi les Goths le partage semble avoir été constaté par le jugement des voisins ; que les Barbares s’emparaient souvent du tiers restant, et que les Romains alors pouvaient réclamer leur droit en justice, à moins qu’il n’y eût une prescription de cinquante ans.