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une légère amende expiait les fautes de l’ivrognerie et de la colère. Leurs plaintes étaient spécieuses, leurs clameurs bruyantes, et les Romains auraient souffert sans peine cet exemple du désordre et de l’impunité ; mais l’autorité et l’éloquence de Bélisaire apaisèrent la sédition naissante ; il fit sentir à ses troupes assemblées la nécessité de la justice, l’importance de la discipline, les récompenses de la piété et de la vertu, l’énormité du meurtre qu’on venait de commettre ; et il ajouta que l’ivresse des coupables aggravait leur crime au lieu de l’excuser[1]. Durant cette traversée de l’Hellespont aux côtes du Péloponnèse, que les Grecs, après le siége de Troie, avaient faite en quatre jours[2], la flotte fut guidée par le vaisseau de tête, qu’on reconnaissait le jour à la couleur rouge de ses voiles, et la nuit aux torches qu’il portait au sommet de son grand mât : lorsqu’elle se trouva entre les îles, et qu’elle doubla les caps de Malée et de Ténare, on recommanda aux pilotes de

  1. J’ai trouvé dans le cours de mes lectures un législateur grec qui infligeait une double peine aux crimes qu’on commettait pendant l’ivresse ; mais on paraît convenir aujourd’hui que c’était une loi politique plutôt qu’une loi morale.
  2. Les Grecs firent même ce voyage en trois jours, car ils jetèrent l’ancre le premier soir à l’île de Ténédos, voisine de Troie ; ils arrivèrent à Lesbos le second jour ; le troisième au promontoire d’Eubée, et le quatrième à Argos. (Homère, Odyss., Γ 180-183 ; Wood, Essay on Homer, p. 40-46.) Un corsaire qui avait appareillé de l’Hellespont, arriva au port de Sparte en trois jours. (Xénophon, Hellen., l. II, c. 1).