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en ruines. L’empereur remercia le gouverneur et les habitans de Martyropolis, qui avaient rendu en peu de jours une ville qu’on ne pouvait défendre avec succès, et l’incendie de Théodosiopolis put justifier leur prudence. Amida soutint un siége long et meurtrier. Cabades, qui l’attaquait depuis trois mois, avait perdu cinquante mille soldats sans aucun espoir de réussir ; et les mages semblaient tirer vainement un augure favorable de l’indécence des femmes, qui, du haut des remparts, exposaient aux yeux des assaillans leurs charmes les plus secrets. À la fin, cependant, les Perses escaladèrent silencieusement, au milieu de la nuit, une tour qui n’était gardée que par quelques moines accablés de sommeil et des suites de l’intempérance qui avait suivi les offices d’un jour de fête. À la pointe du jour on appliqua les échelles ; la présence de Cabades, ses ordres absolus, et son épée, dont il menaçait les lâches, forcèrent les Persans à vaincre ; et avant que son glaive fût rentré dans le fourreau, quatre-vingt mille personnes expièrent le sang que lui avait coûté cette entreprise. La guerre dura encore trois ans, et cette malheureuse frontière éprouva tout ce qu’ont de plus affreux les calamités de la guerre. L’or d’Anastase fut offert trop tard, le nombre de ses soldats fut rendu inutile par le nombre de ses généraux ; le pays devint une solitude où les vivans et les morts étaient abandonnés aux bêtes farouches. La résistance d’Édesse et le défaut de butin disposèrent à la paix l’esprit de Cabades : il vendit ses conquêtes un prix exorbitant ; et la même limite,