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monumens de son art. Celui-ci eut avec Zénon, son voisin, touchant les murs ou les fenêtres de leurs maisons qui étaient continues, une dispute de peu d’importance, où son adversaire le vainquit par le talent de la parole ; mais le mécanicien trouva à son tour, dans son art, pour triompher de l’orateur, des moyens malicieux, mais inconnus, que l’on peut comprendre, malgré l’obscurité avec laquelle les raconte l’ignorant Agathias. Il disposa, au milieu d’une chambre basse, plusieurs vases d’eau dont il avait recouvert l’ouverture d’un large tube de cuir, qui allait en s’étrécissant et avait été adroitement conduit entre les solives et les poutres de la maison de son voisin. Il alluma ensuite du feu sous les vases, et la vapeur de l’eau bouillante monta dans les tubes ; les efforts de l’air captif ébranlèrent la maison de Zénon : la famille de celui-ci, saisie d’épouvante, s’étonna sans doute que le reste de la ville n’eût pas senti un tremblement de terre qu’elle avait éprouvé. Un autre jour, Zénon donnant à dîner à ses amis, leurs yeux furent tout à coup éblouis d’un intolérable éclat de lumière réfléchi par les miroirs d’Anthemius. Il fit éclater en petites particules une matière sonore dont le bruit les remplit d’effroi ; et l’orateur déclara au sénat, en style tragique, qu’un simple mortel devait céder à la puissance d’un adversaire qui ébranlait la terre avec le trident de Neptune, et qui imitait les éclairs et la foudre de Jupiter. Justinien, dont le goût pour l’architecture était devenu une passion dispendieuse et funeste, excita et em-