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gardes, on força les prisons et on rendit la liberté à des scélérats qui n’en pouvaient user que pour la ruine de la société. Des troupes envoyées au secours du magistrat civil eurent à combattre une multitude d’hommes armés dont le nombre et l’audace augmentaient d’un moment à l’autre ; et les Hérules, les plus farouches des Barbares à la solde de l’empire, renversèrent les prêtres et les reliques qu’une imprudente piété avait fait intervenir pour séparer les combattans. Le peuple, irrité par ce sacrilège, se battit avec fureur pour la cause de Dieu : les femmes, placées aux fenêtres et sur les toits, lançaient des pierres sur la tête des soldats ; ceux-ci jetaient contre les maisons des tisons enflammés, et l’incendie allumé, soit par les mains des citoyens, soit par celles des étrangers, s’étendit sans obstacle sur toute la ville. Le feu dévora la cathédrale appelée Sainte-Sophie, les bains de Zeuxippe, une partie du palais, depuis la première entrée jusqu’à l’autel de Mars, et le long portique, depuis le palais jusqu’au Forum de Constantin. Un grand hôpital fut réduit en cendres avec tous les malades ; une multitude d’églises et de beaux édifices furent entièrement détruits, et une quantité considérable d’or et d’argent se trouva réduite en fusion ou devint la proie des voleurs. Les citoyens les plus riches et les plus prudens, fuyant cette scène d’horreur et de désolation, traversèrent le Bosphore et gagnèrent la côte d’Asie : durant cinq jours, Constantinople fut abandonnée aux factions dont le mot