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guider ou de seconder une pareille révolution, n’était pas réservé au règne de Théodoric. Il n’avait pas le talent d’un législateur, et les circonstances n’étaient pas favorables[1] ; tandis qu’il laissait aux Goths une liberté grossière, il copiait servilement les institutions et même les abus du système politique établi par Constantin et ses successeurs. Par égard pour un reste des préjugés de Rome, il crut qu’un prince barbare devait refuser le nom, le diadème et la pourpre des empereurs ; mais avec le titre de roi héréditaire, il s’arrogea tous les droits et toute l’étendue de la prérogative impériale[2]. Ses dépêches au souverain de l’Orient étaient respectueuses et équivoques ; il célébrait en style pompeux l’harmonie des deux républiques ; il s’applaudissait des maximes de son gouvernement comme offrant par leur similitude avec celles qui régissaient l’empire d’Orient, l’uniformité qui doit régner dans un seul et même empire ; et il réclamait sur les rois de la terre cette prééminence qu’il accordait modeste-

  1. Procope affirme que Théodoric et les rois d’Italie ses successeurs ne publièrent aucune espèce de lois. (Gothic., l. II, c. 6). Il voulait dire sans doute qu’ils n’en publièrent aucune en langue gothique ; car nous avons encore dans la langue des Latins, un édit de Théodoric en cent cinquante-quatre articles.
  2. Le portrait de Théodoric était gravé sur ses monnaies ; ses modestes successeurs se contentèrent de mettre leur nom à côté de la tête de l’empereur régnant. (Muratori, Antiq. Italiæ, medii ævi, t. II ; Dissert., 27, p. 577-579 ; Giannone, Istoria civile di Napoli, t. I, p. 166).