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table, qui répandit le feu de la guerre de Constantinople à la mer Adriatique. Plusieurs villes florissantes furent réduites en cendres, et ces farouches Goths, en coupant aux paysans qu’ils réduisaient en captivité, la main droite, nécessaire pour guider la charrue, anéantirent presque entièrement l’agriculture de la Thrace[1]. Théodoric encourut alors le reproche de déloyauté, d’ingratitude et d’une insatiable cupidité qui ne pouvait être excusée que par la cruelle nécessité de sa situation. Il régnait, non comme le monarque, mais comme le ministre d’un peuple féroce, qui n’avait point perdu son courage dans la servitude, et qui ne pouvait souffrir même les apparences de l’insulte. La pauvreté des Ostrogoths était sans remède, puisqu’ils ne tardaient pas à dissiper dans de vaines dépenses tout ce qu’ils recevaient de la libéralité des empereurs, et que les terres les plus fertiles devenaient stériles entre leurs mains. Ils méprisaient, mais ils enviaient les laborieux habitans des provinces de l’empire, et lorsqu’ils manquaient de vivres, ils avaient recours à la guerre et au pillage. Théodoric désirait ou du moins montrait l’intention de mener une vie paisible, obscure et soumise, sur les confins de la Scythie, quand la cour de Byzance, par de brillantes et trompeuses promesses, le détermina à atta-

  1. On impute surtout cet atroce expédient aux Goths Triariens, moins barbares, à ce qu’il semble, que les Walamirs ; mais on accuse le fils de Théodemir d’avoir opéré la ruine de plusieurs villes romaines. (Malchus, Excerpt. leg., page 95.)