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sans doute comme un bonheur, que la destruction d’une ville soit une entreprise difficile et dispendieuse, ou qu’un peuple industrieux fasse servir à sa défense les arts qui survivent et suppléent à la valeur militaire. Le canon et les fortifications forment une barrière impénétrable à la cavalerie des Tartares, et l’Europe n’a plus à redouter une irruption de Barbares, puisqu’il serait indispensable qu’ils se civilisassent avant de pouvoir conquérir. Leurs découvertes dans la science de la guerre seraient nécessairement accompagnées, comme l’exemple de la Russie le démontre, de progrès proportionnés dans les arts paisibles et dans la politique civile ; ils mériteraient alors d’être comptés dans le nombre des nations civilisées qu’ils pourraient soumettre.

Si ces réflexions paraissaient insuffisantes, il nous resterait encore une source plus humble d’espoir ou de sécurité : les découvertes des navigateurs anciens et modernes, et l’histoire domestique ou la tradition des nations les plus éclairées, représentent l’homme sauvage comme également dépouillé de vêtement et d’imagination, privé de lois, d’arts, d’idées, et

    vingt-sept mille sept cents grenades, quinze mille sacs à terre, trente mille instrumens pour le pilonnage, et douze cent mille livres de poudre : ajoutez à ces munitions le plomb, le fer, le fer blanc, les cordages, et tout ce qui sert aux mineurs, le soufre, le salpêtre, les outils de toute espèce. Il est certain que les frais de tous ces préparatifs de destruction suffiraient pour fonder et faire fleurir la plus nombreuse colonie. (Voltaire, Siècle de Louis XIV, c. 20.)