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d’Europe[1]. Cependant cette sécurité apparente ne doit pas nous faire oublier que du sein de quelque peuple obscur, à peine visible sur la carte du monde, peuvent naître de nouveaux ennemis et des dangers imprévus. Les Arabes ou Sarrasins, qui étendirent leurs conquêtes depuis l’Inde jusqu’en Espagne, languissaient dans l’indigence et dans l’obscurité, lorsque Mahomet anima leurs corps sauvages du souffle de l’enthousiasme.

II. L’empire de Rome était solidement établi sur la singulière et parfaite union de toutes ses parties. Les peuples, devenus ses sujets, avaient renoncé à l’espoir et même au désir de l’indépendance, et se trouvaient honorés du titre de citoyens romains. Forcées de céder aux Barbares, les provinces de l’Occident se virent avec douleur séparées de leur mère-patrie[2] ; mais elles avaient acheté cette

  1. Les éditeurs français et anglais de l’Histoire généalogique des Tartares y ont joint une description curieuse, mais imparfaite, de l’état de ces peuples. Nous pourrions révoquer en doute l’indépendance des Kalmouks ou Eluths, puisqu’ils ont été vaincus récemment par les Chinois, qui soumirent (en 1759) la petite Bucharie, et avancèrent dans le pays de Badakshan, près des sources de l’Oxus. (Mém. sur les Chinois, t. I, p. 325-400.) Mais ces conquêtes sont précaires, et je ne m’aventurerais point à cautionner la sûreté de l’empire de la Chine.
  2. Le lecteur raisonnable jugera à quel degré cette proposition générale peut être affaiblie par la révolte des Isauriens, l’indépendance de la Bretagne et de l’Armorique, les