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furent saisies à leur tour de l’esprit de conquête. Le poids accumulé d’une multitude de Barbares qui se précipitaient les uns sur les autres, fondit avec impétuosité sur l’Empire romain ; à peine avaient-ils détruit les premiers, que d’autres occupaient leur place et présentaient de nouveaux assaillans. On ne peut plus voir sortir du Nord ces émigrations formidables ; et le long-repos qui a été attribué au décroissement de la population, est la suite heureuse des progrès des arts et de l’agriculture. Au lieu de quelques villages placés de loin en loin parmi les bois et les marais, l’Allemagne compte aujourd’hui deux mille trois cents villes environnées de murs. Les royaumes chrétiens du Danemarck, de la Suède et de la Pologne se sont élevés successivement ; les négocians anséatiques et les chevaliers teutons ont étendu leurs colonies le long des côtes de la mer Baltique jusqu’au golfe de Finlande. Depuis le golfe de Finlande jusqu’à l’Océan oriental, la Russie prend aujourd’hui la forme d’un empire puissant et civilisé. On voit sur les bords du Volga, de l’Obi et du Lena, le laboureur conduire sa charrue, le tisserand travailler à son métier, et le forgeron battre le fer sur son enclume ; les plus féroces des Tartares ont appris à craindre et à obéir. Les Barbares indépendans n’occupent plus qu’un bien petit espace ; et les restes des Kalmouks et des Usbecs, réduits à un si petit nombre, que l’on peut pour ainsi dire les compter, n’ont pas le pouvoir d’inquiéter sérieusement la grande république