Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une puissance à l’autre, et la prospérité de notre patrie ou des royaumes voisins peut alternativement s’accroître ou diminuer ; mais ces faibles révolutions n’influeront pas à un certain point sur le bonheur général ; elles ne détruiront point le système d’arts, de lois et de mœurs, qui distinguent si avantageusement les Européens et leurs colonies des autres nations de la terre. Les peuples sauvages sont les ennemis communs de toutes les sociétés civilisées ; nous pouvons examiner avec quelque inquiétude et quelque curiosité si l’Europe est exposée à craindre encore une répétition des calamités qui renversèrent l’empire de Rome et anéantirent ses institutions : les mêmes réflexions serviront peut-être à expliquer les causes qui contribuèrent à la ruine de ce puissant empire, et celles qui motivent aujourd’hui notre sécurité.

I. Les Romains ignoraient l’étendue de leur danger et le nombre de leurs ennemis. Au-delà du Danube et du Rhin, les pays septentrionaux de l’Europe et de l’Asie étaient remplis d’innombrables tribus de pâtres et de chasseurs, pauvres, voraces et turbulens, hardis les armes à la main, et avides de s’emparer des fruits de l’industrie. La rapide impulsion de la guerre se fit sentir dans tout le monde barbare, et les révolutions de la Chine entraînèrent celles de la Gaule et de l’Italie. Les Huns, fuyant devant un ennemi victorieux, dirigèrent leur marche vers l’Occident, et le torrent s’augmenta de la foule des captifs et des alliés. Les tribus fugitives, qui cédaient aux Huns,