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L’élévation d’une ville qui devint ensuite un empire, mérite, par sa singularité presque miraculeuse, d’exercer les réflexions d’un esprit philosophique ; mais la chute de Rome fut l’effet naturel et inévitable de l’excès de sa grandeur. Sa prospérité mûrit, pour ainsi dire, les principes de décadence qu’elle renfermait dans son sein ; les causes de destruction se multiplièrent avec l’étendue de ses conquêtes ; et dès que le temps ou les événemens eurent détruit les supports artificiels qui soutenaient ce prodigieux édifice, il succomba sous son propre poids. L’histoire de sa ruine est simple et facile à concevoir. Ce n’est point la destruction de Rome, mais la durée de son empire qui a droit de nous étonner. Les légions victorieuses qui contractèrent dans des guerres éloignées les vices des étrangers et des mercenaires, opprimèrent d’abord la liberté de la république, et violèrent ensuite la majesté de la pourpre. Les empereurs, occupés de leur sûreté personnelle et de la tranquillité publique, eurent recours malgré eux au funeste expédient de corrompre la discipline, qui rendait les armées aussi redoutables à leur souverain qu’aux ennemis ; le gouvernement militaire perdit de sa vigueur, les institutions partiales de Constantin l’anéantirent, et le monde romain devint la proie d’une multitude de barbares.

On a souvent attribué la chute du gouvernement

    imperio fortius et durius, ita in fine rerum nihil imbecillius : quum et in bellis civilibus et adversùs diversas nationes, aliarum gentium barbararum auxilio indigenius. Opera, t. V, p. 572.