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besoins[1] ; mais ces païens ignorans conservèrent et établirent l’usage de leur idiome national[2]. Presque tous les noms des dignitaires de l’Église ou de l’état annoncent une origine teutonique[3] ; et la géographie d’Angleterre fut universellement chargée de noms et de caractères étrangers. On trouverait difficilement un second exemple d’une révolution si rapide et si complète ; elle peut faire raisonnablement supposer que les arts des Romains n’avaient pas poussé en Bretagne des racines aussi profondes qu’en Espagne ou dans la Gaule, et que l’ignorance et la rudesse de ses habitans n’étaient couvertes que d’un mince vernis des mœurs italiennes.

Servitude.

Cette surprenante métamorphose a persuadé aux historiens et même à des philosophes, que les habitans de la Bretagne avaient été totalement exterminés, et que les terres vacantes furent repeuplées par

  1. Le docteur Johnson affirme qu’un très-petit nombre de mots anglais seulement tirent leur origine de la langue bretonne. M. Whitaker, qui entend le breton, en a découvert plus de trois mille, et en a fait un Catalogue, vol. II, p. 235-329. Il est possible à la vérité qu’une partie de ces mots aient été transportés de la langue latine ou saxonne dans l’idiome natif de la Bretagne.
  2. Au commencement du septième siècle, les Francs et les Anglo-Saxons entendaient mutuellement leurs langages dérivés de la même racine teutonique. (Bède, l. I, c. 25, page 60.)
  3. Après la première génération de missionnaires écossais ou italiens, les dignités de l’Église furent remplies par des prosélytes saxons.