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tagne avec tant de soin, disparurent sous leurs barbares successeurs. Après la destruction des principales églises, les évêques qui n’ambitionnaient pas la couronne du martyre, se retirèrent avec les saintes reliques dans le pays de Galles ou dans l’Armorique. Les restes de leur troupeau manquèrent de tous les secours spirituels. Les peuples oublièrent insensiblement les pratiques et jusqu’au souvenir du christianisme ; et le clergé breton tira peut-être quelque consolation de la damnation inévitable de ces idolâtres. Les rois de France maintinrent les priviléges de leurs sujets romains ; mais les féroces Saxons anéantirent les lois de Rome et des empereurs. Les formes de la justice civile et criminelle, les titres d’honneur, les attributions des différens emplois, les rangs de la société, et jusqu’aux droits de mariage, de testament et de succession, furent totalement supprimés. La foule des esclaves nobles ou plébéiens se vit gouvernée par les lois grossières conservées par tradition chez les pâtres et les pirates de la Germanie. La langue introduite par les Romains pour les sciences, les affaires et la conversation, se perdit dans la désolation générale. Les Germains adoptèrent un petit nombre de mots celtiques ou latins, suffisans pour exprimer leurs nouvelles idées et leurs nouveaux

    Ceaster et interfecerunt omnes qui id incoluerunt ; adeo ut ne unus Brito ibi superstes fuerit. Chron. saxon., p. 15. Cette expression est plus effrayante dans sa simplicité que toutes les vagues et ennuyeuses lamentations du Jérémie de la Bretagne.