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défendre, avaient perdu, par un crime commis sans leur consentement, la glorieuse couronne de la virginité[1]. Les Romains essuyèrent des pertes d’un genre moins arbitraire et d’un intérêt plus général. On ne peut supposer que tous les Barbares fussent continuellement disposés au crime du viol ; et le manque de jeunesse, de beauté ou de chasteté, mettait beaucoup de Romaines à l’abri de la violence : mais l’avarice est une passion universelle et insatiable, dont les succès peuvent procurer toutes les sortes de jouissances que les hommes sont capables de désirer. Dans le pillage de Rome, l’or et les diamans obtinrent une juste préférence, comme offrant une plus grande valeur que tous les autres objets sous un volume et un poids beaucoup moins considérable ; mais lorsque les plus diligens eurent enlevé ces richesses portatives, on en vint bientôt à dépouiller brutalement les palais de leurs magnifiques et coûteux ameublemens. L’argenterie et les robes de pourpre et de soie étaient jetées en tas dans les

  1. Voyez saint Augustin, De Civit. Dei, l. I, c. 16-18. Il traite ce sujet avec beaucoup d’attention ; et après avoir admis qu’il ne peut point y avoir de crime sans consentement, il ajoute : Sed quia non solùm quod ad dolorem, verùm etiam quod ad libidinem pertinet, in corpore alieno perpetrari potest, quicquid tale factum fuerit, etsi retentam constantissimo animo pudicitiam non excutit, pudorem tamem incutit, ne credatur factum cum mentis etiam voluntate, quod fieri fortasse sine carnis aliquâ voluptate non potuit. Dans le chapitre 18 il fait quelques distinctions curieuses entre la virginité morale et la virginité physique.