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l’admiration de la postérité[1]. Une dame romaine, d’une grande beauté et d’une piété orthodoxe, avait enflammé par sa vue les désirs impétueux d’un jeune Barbare, que Sozomène a grand soin de nous faire connaître pour un arien. Irrité de sa résistance, il tira son épée, et, avec la colère d’un amant, lui fit au cou une blessure légère. L’héroïne vit couler son sang, mais n’en continua pas moins à braver le ressentiment et à repousser les entreprises de son ravisseur, qui, renonçant enfin à d’inutiles efforts, la conduisit respectueusement dans le sanctuaire du Vatican ; il donna même six pièces d’or aux gardes de l’église, à condition qu’ils la rendraient à son mari sans lui faire la moindre insulte. Ces traits de courage et de générosité ne se multiplièrent pas à un certain point. La brutale lubricité des soldats consulta peu les devoirs et l’inclination de leurs captives, et les casuistes agitèrent sérieusement une question assez singulière. Il s’agissait de décider si les victimes violées malgré leurs efforts pour s’en

  1. Sozomène, l. IX, c. 10. Saint Augustin (De Civ. Dei, l. I, c. 17) assure que quelques vierges ou matrones se donnèrent la mort pour éviter d’être violées ; et quoiqu’il admire leur courage, ses opinions théologiques le forcent à blâmer leur présomptueuse imprudence. Peut-être le bon évêque d’Hippone crut-il trop facilement à des actes d’héroïsme qu’il blâmait avec trop de sévérité. Les vingt vierges, supposé qu’elles aient existé, qui se jetèrent dans l’Elbe lorsque Magdebourg fut pris d’assaut, ont été multipliées au nombre de douze cents. Voy. l’Hist. de Gustave Adolphe, par Harte, v. I, p. 308.