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ville pour satisfaite leur avidité, un de leurs chefs força la maison d’une vierge âgée qui avait dévoué sa vie au service des autels. Il lui demanda, sans lui faire aucune insulte, tout l’or et tout l’argent qu’elle possédait, et fut étonné de la complaisance avec laquelle cette vierge le conduisit à un endroit où se trouvaient cachés un grand nombre de vases d’or et d’argent massif du travail le plus exquis. Le Barbare, saisi de joie et d’admiration, contemplait la riche proie qu’il venait d’acquérir, lorsque la vénérable gardienne le reprit gravement en ces termes : « Ces vases consacrés appartiennent à saint Pierre ; si vous osez y toucher, c’est sur vous que tombera le sacrilège : quant à moi, je n’ose point garder ce que je ne suis pas en état de défendre. » Le capitaine des Goths, saisi d’une frayeur religieuse, fit savoir à son roi ce qu’il venait de découvrir, et Alaric lui envoya l’ordre de transporter, sans dommage et sans délai, tous les vases et tous les ornemens consacrés dans l’église de Saint-Pierre. Une pieuse procession de soldats goths, portant dévotement sur leur tête les vases d’or et d’argent, parcourut à travers les principales rues de Rome, la longue distance qui se trouve entre l’extrémité du mont Quirinal et le Vatican ; ils marchaient environnés et protégés par

    histoires édifiantes. Selon Isidore, on entendit dire à Alaric lui-même qu’il faisait la guerre aux Romains et non pas aux saints apôtres : tel était le style du septième siècle. Deux cents ans plus tôt, le mérite et la gloire étaient attribués au Christ et non pas à ses apôtres.