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nombreux corps de Goths, rentra dans la ville en triomphe, et obtint la permission d’insulter son adversaire par un héraut, qui annonça publiquement que le crime d’Alaric le rendait irrévocablement indigne de l’alliance et de l’amitié de l’empereur[1]. Les calamités de Rome expièrent, pour la troisième fois, les fautes et l’extravagance de la cour de Ravenne. Le roi des Goths, ne dissimulant plus le désir du pillage et de la vengeance, parut sous les murs de Rome à la tête de son armée, et le sénat tremblant se prépara, sans espoir de secours, à retarder du moins, par une résistance désespérée, la destruction de la capitale ; mais on ne put défendre Rome contre la secrète conspiration des esclaves et des domestiques, que la naissance ou l’intérêt attachait au parti des Barbares. À minuit, ils ouvrirent sans bruit la porte Salarienne, et les habitans se réveillèrent au bruit redouté de la trompette des Goths. Onze cent soixante-trois ans après la fondation de Rome, cette cité impériale, qui avait soumis et policé la plus grande partie de la terre, fut livrée à la fureur effrénée des Scythes et des Germains[2].

  1. Zosime, l. VI, p. 384 ; Sozomène, l. IX, c. 9 ; Philostorgius, l. XII, c. 3. Dans cet endroit, le texte de Zosime se trouve mutilé, et nous avons perdu le reste de son sixième et dernier livre, qui finissait par le sac de Rome. Quoique cet historien puisse être accusé de partialité et de crédulité, nous ne nous en voyons point privés sans quelque regret.
  2. Adest Alaricus, trepidam Romam obsidet, turbat,