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chesses que les Juifs avaient obtenues par le commerce et par la gestion des finances, excitèrent la pieuse avarice de leurs maîtres, et ceux-ci purent opprimer sans danger un peuple qui avait perdu l’usage et jusqu’au souvenir des armes. Sisebut, roi des Goths, qui régnait au commencement du septième siècle, commença la persécution par le dernier excès de la rigueur[1]. On força quatre-vingt-dix mille Juifs à recevoir le sacrement du baptême ; ceux qui refusèrent furent dépouillés de leur fortune ; on leur fit souffrir la torture, et il paraît douteux qu’ils aient obtenu la liberté de sortir de leur pays. Le zèle de Sisebut était si excessif, que le clergé d’Espagne voulut le modérer, et prononça solennellement la sentence la plus inconséquente. On ne devait pas, disaient-ils, forcer à recevoir les sacremens ; mais il fallait, pour l’honneur de l’Église, que les Juifs qui avaient été baptisés fussent forcés à persévérer extérieurement dans la pratique d’une religion qu’ils croyaient fausse, et qui leur était odieuse. Leurs fréquentes apostasies déterminèrent un des successeurs de Sisebut à bannir la nation entière de ses états ; et

    nezzar ; qu’Adrien transporta quarante mille familles de la tribu de Juda, et dix mille de celle de Benjamin, etc. Basnage, Hist. des Juifs, t. VII, c. 9, p. 240-256.

  1. Isidore, alors archevêque de Séville, félicite Sisebut de son zèle, et cependant le désapprouve, Chron. goth., p. 728. Baronius (A. D. 614, no 41) fixe le nombre sur l’autorité d’Aimoin, l. IV, c. 22. Mais cette autorité est faible, et il ne m’a pas été possible de vérifier la citation. (Hist. de France, t. III, p. 127.)