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sance enflamma la colère du barbare Hunneric. Un comte militaire fut envoyé de Carthage à Tipasa ; il rassembla les catholiques dans le Forum, et, aux yeux de toute la province, fit couper la main droite et la langue aux coupables ; mais les saints confesseurs continuèrent de parler après cette exécution inhumaine ; et ce miracle est attesté par Victor, évêque africain, qui publia une histoire de la persécution deux ans après l’événement[1]. « Si quelqu’un, dit Victor, révoque ce fait en doute, qu’il aille à Constantinople, il entendra parler distinctement Restitutus, sous-diacre, qui fut une de ces glorieuses victimes, et qui habite en ce moment le palais de l’empereur Zénon, où il jouit de la vénération de la pieuse impératrice. » On trouve avec étonnement à Constantinople un second témoin sans passion, désintéressé, savant et irrécusable. Énée de Gaza, philosophe de la secte de Platon, a rapporté avec soin ses observations sur les martyrs d’Afrique : « Je les ai vus de mes yeux, dit-il, je les ai entendus parler, je me suis informé soigneusement de ce qui pouvait produire des sons articulés sans le secours de la langue, et je me suis servi de mes yeux pour confirmer le témoignage de mes oreilles. J’ai ouvert leur bouche, et je me suis assuré que la langue avait été totalement arrachée jusqu’à la racine, opération que les médecins assurent être toujours mortelle. »[2]

  1. Victor Vitensis, v. 6, p. 76 ; Ruinart, p. 483-487.
  2. Æneas de Gaza, in Theophrasto, in Biblioth. Patrum