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conversation mondaine que d’anciens religieux d’une prudence et d’une discrétion éprouvées. L’esclave qui s’était enchaîné dans un couvent ne recevait qu’en leur présence les visites de ses amis ou de ses parens ; et c’était une action regardée comme très-méritoire que de refuser obstinément à la douleur et à la tendresse d’une sœur ou d’un père âgé la consolation d’un mot ou d’un regard[1]. Rassemblés par hasard dans une prison où ils étaient retenus par la force ou par le préjugé, les religieux n’avaient aucun attachement personnel. Des solitaires fanatiques éprouvaient peu le besoin de communiquer leurs sentimens. L’abbé fixait, par une permission particulière, le moment et la durée des visites qu’ils se rendaient. Ils prenaient leur repas en silence, et, enveloppés dans leurs capuces, demeuraient durant tout ce temps sans aucune communication entre eux et presque invisibles les uns aux autres[2]. L’étude est la ressource de la solitude ; mais les paysans et les artisans, dont les couvens étaient remplis, n’avaient été ni préparés, ni disposés par leur éducation, à l’étude des sciences ou des belles-lettres : ils pouvaient travailler ; mais la vanité leur persuada bientôt que

  1. Pior, moine égyptien, reçut la visite de sa sœur ; mais il tint les yeux fermés tout le temps qu’elle resta avec lui. (Voyez vit. Patrum, l. III, p. 504.) On pourrait citer beaucoup d’autres exemples de ce genre.
  2. Les 7, 8, 29, 30, 31, 34, 57, 60, 86 et 95e articles de la Règle de saint Pachome sont d’une sévérité intolérable relativement au silence et à la mortification.