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voir, on aurait pu penser que l’événement d’une course devait décider du destin de la république[1]. Ils n’étaient pas moins impétueux dans leurs clameurs et dans leurs applaudissemens, soit qu’on leur donnât le plaisir d’une chasse d’animaux sauvages, ou de quelque pièce de théâtre. Dans les capitales modernes, les représentations théâtrales peuvent être considérées comme l’école du bon goût et quelquefois de la vertu ; mais la muse tragique et comique des Romains, qui n’aspirait guère qu’à l’imitation du génie attique[2] était presque condamnée au silence depuis la chute de la république[3] ; et la

  1. Juvénal, Satire XI, 191, etc. Les expressions de l’historien Ammien ne sont ni moins fortes ni moins animées que celles du poète satirique ; et l’un et l’autre peignaient d’après nature. Le nombre de spectateurs que le Cirque pouvait contenir, est tiré des Notitiæ de la ville. Les différences que l’on y rencontre prouvent qu’elles ne se copiaient pas ; et ce nombre paraît incroyable même lorsque l’on considère que dans ces occasions tous les habitans de la campagne accouraient en foule dans la capitale.
  2. Ils composaient à la vérité quelquefois des pièces originales.

    … Vestigia græca
    Ausi deserere et celebrare domestica facta.

    Horace, epist. ad Pison., 285, et la savante et obscure note de Dacier, qui aurait pu accorder le nom de tragédies au Brutus et au Decius de Pacuvius, ou au Caton de Maternus. L’Octavie attribuée à un des Sénèque, existe encore, et ne donne pas grande opinion de la tragédie romaine.

  3. Du temps de Pline et de Quintilien, un poète tragique était réduit à la triste ressource de louer une grande salle