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de l’autorité civile ôta à l’état monastique ce mérite d’obéissance et de liberté qui adoucissait l’abjection d’un esclavage volontaire[1]. Les actions d’un moine, ses paroles et jusqu’à ses pensées, furent asservies à une règle inflexible[2] ou aux caprices d’un supérieur. Les moindres fautes étaient punies par des humiliations, ou par la prison, par des jeûnes extraordinaires, ou de sanglantes flagellations. La plus légère désobéissance, un murmure ou un délai, passaient pour des péchés odieux[3]. La principale vertu des

  1. Voyez les lois de Justinien, Novell, CXXIII, no 42, et de saint Louis dans les Historiens de France, t. VI, p. 427 ; et la Jurisprudence actuelle de France dans Denisart (Décisions, etc., t. IV, p. 855, etc.)
  2. L’ancien Codex Regularum, recueilli par saint Benoît, le réformateur des moines dans le commencement du neuvième siècle, et publié dans le dix-septième par Lucas Holstenius, contient trente différentes règles pour des communautés d’hommes et de femmes. Sept furent composées en Égypte, une en Orient, une en Cappadoce, une en Italie, une en Afrique, quatre en Espagne, huit en Gaule ou en France, et une en Angleterre.
  3. La règle de Colomban, si suivie dans l’Occident, inflige cent coups de discipline pour les fautes les plus légères. (Cod. Reg., part. II, p. 174) Avant le règne de Charlemagne, les abbés se permettaient de mutiler leurs moines et de leur arracher les yeux. Cette punition barbare était encore moins affreuse que le terrible vade in pace (prison souterraine ou sépulcre), qu’ils inventèrent depuis. (Voyez l’excellent Discours du savant Mabillon, Œuvr. posth., t. II, p. 321-336.) Il paraît animé dans cette occasion par le génie de l’humanité ; et on peut, en faveur