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multiplier le nombre de leurs compagnons d’esclavage[1]. Ils s’insinuaient dans la familiarité des citoyens distingués par la naissance et par la fortune, et ne négligeaient ni artifices ni séductions pour s’assurer des prosélytes qui pussent ajouter aux richesses ou à la dignité de la profession monastique. Le père se voyait avec indignation enlever son fils unique ; la fille crédule se laissait entraîner par vanité à manquer aux vœux de la nature, et la matrone renonçait aux vertus et aux devoirs de la vie domestique[2] pour parvenir à une perfection imaginaire[3]. Sainte Paule, séduite par l’éloquence per-

  1. Le docteur Middleton (vol. 1, p. 110) critique avec justice la conduite et les écrits de saint Chrysostôme, un de ceux qui ont défendu avec le plus d’éloquence et de succès la vie monastique.
  2. Les premiers statuts relatifs à l’organisation des monastères avaient défendu ces abus : de deux époux l’un ne pouvait se faire moine sans le consentement de l’autre (saint Basile, reg. maj., qu. XII) ; un enfant mineur, sans celui de ses parens (Ib. qu. XV, conc. Gangr., c. 16), un esclave, contre le gré de son maître (Conc. Chalcéd., c. 4). Mais l’empereur Justinien leva ces prohibitions, et permit aux esclaves, aux enfans et aux femmes d’entrer dans les monastères sans le consentement de leurs maîtres, de leurs parens ou de leurs maris. Novell., V, c. 2 ; cod. Just., l. I, t. 3, leg. 53-55. (Note de l’Éditeur.)
  3. L’éloge de la dévotion de ces disciples femelles occupe une grande partie des ouvrages de saint Jérôme ; entre autres le traité particulier qu’il intitule l’Épitaphe de sainte Paule (t. I, p. 169-192) est un panégyrique extravagant et rempli de recherches ; l’exorde en est ridiculement am-