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d’un désert soit naturel soit factice. Ils obtinrent bientôt le respect du monde qu’ils méprisaient ; et l’on prodigua les plus hautes louanges à une philosophie divine[1], qui, sans le secours de la science ou de l’étude, surpassait les laborieuses vertus enseignées dans les écoles de la Grèce. Les moines pouvaient à la vérité disputer aux stoïciens le mépris de la fortune, de la douleur ou de la mort. On vit renaître dans cette discipline assujettissante le silence et la soumission des disciples de Pythagore ; et les moines se montrèrent aussi fermes que les cyniques eux-mêmes dans le mépris des usages et de la décence de la société. Mais les prosélytes de cette philosophie divine aspiraient à imiter un modèle plus pur et plus parfait ; ils marchaient sur les traces des prophètes qui s’étaient retirés dans le désert[2], et

  1. Ωφελιμωτατον γαρ τι χρημα εις ανθρωπο‌υς ελθο‌υσαπαρα Θεο‌υ η τοιαυτη φιλοσοφια. Ce sont les expressions de Sozomène, qui décrit très au long et agréablement (l. I, c. 12, 13, 14) l’origine et les progrès de cette philosophie monastique. Voyez Suicer., Thes. ecclesiast., t. II, p. 1441. Quelques auteurs modernes, Juste-Lipse (t. IV, p. 448, Manuduct. ad philos. stoic., III, 13) et La Motte le Vayer (t. IX, De la vertu des Païens, p. 228-262) ont comparé les carmélites aux disciples de Pythagore, et les cyniques aux capucins.
  2. Les carmélites tirent leur origine, en ligne directe, du prophète Élie. Voyez les Thèses de Beziers, A. D. 1682, dans Bayle, Nouv. de la républ. des Lettres, Œuvres, t. I, p. 82, etc. ; et la longue satire des ordres monastiques, ouvrage anonyme, t. I, p. 1-433, Berlin, 1751. Rome et l’inquisition d’Espagne imposèrent silence à la critique pro-