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ment de peau, et votre fortune sera digne de la grandeur de votre âme[1]. » Le Barbare, dont l’audace accepta et ratifia la prédiction, fut admis au service de l’empire d’Occident, et obtint bientôt un poste distingué dans les gardes. Ses mœurs s’adoucirent, ses talens militaires se perfectionnèrent, et les confédérés de l’Italie n’auraient pas choisi Odoacre pour général, si ses exploits n’eussent point établi la réputation de sa valeur et de sa capacité[2]. Ses compagnons lui donnèrent d’une voix unanime le titre de roi ; mais il s’abstint, durant tout son règne, de la pourpre et du diadème[3], pour ne point éveiller la jalousie des princes, dont les sujets avaient formé par leur réunion une armée que le temps et un gouvernement sage pouvaient convertir en une grande nation.

  1. Vade ad Italiam, vade vilissimis nunc pellibus coopertus : sed multis citò plurima largiturus. Anon. Val., p. 717. Il cite la Vie de saint Severin, qui existe encore, et contient des particularités inconnues et très-curieuses de l’histoire d’alors. Elle fut composée par son disciple Eugippe (A. D. 511), trente ans après sa mort. (Voyez Tillemont, Mém. ecclés., t. XVI, p. 168-181.)
  2. Théophane, qui lui donne le nom de Goth, assure qu’il fut élevé, nourri (τραφετο) en Italie (p. 102) ; et comme cette expression ne peut soutenir une interprétation littérale, on doit présumer qu’elle signifie un très-long service dans les gardes impériales.
  3. Nomen regis Odoacer assumpsit, cùm tamen neque purpurâ nec regalibus uteretur insignibus. Cassiod., In Chron. A. D. 476. Il paraît qu’il prit le titre vague de roi, sans y attacher le nom d’aucune nation ni d’aucun pays.