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avons-nous refusées à cet ingrat ? Combien d’insultes n’avons-nous pas dissimulées ! Oubliant la majesté impériale, j’ai donné ma fille à un Goth ; j’ai sacrifié mon propre sang à la tranquillité de la république. La générosité qui devait m’attacher éternellement Ricimer, n’a servi qu’à l’irriter contre son bienfaiteur. Combien de guerres n’a-t-il point suscitées à l’empire ! combien de fois n’a-t-il pas excité et secondé la fureur des ennemis ! Dois-je encore accepter sa perfide amitié ? et puis-je espérer qu’après avoir manqué à tous les devoirs d’un fils, il respectera la foi d’un traité ? » Mais le ressentiment d’Anthemius s’évapora avec ses plaintes. Il céda insensiblement, et le prélat retourna dans son diocèse avec la satisfaction d’avoir rendu la paix à l’Italie par une réconciliation[1] dont on pouvait raisonnablement révoquer en doute la durée et la sincérité. L’empereur pardonna par faiblesse, et Ricimer suspendit ses desseins ambitieux pour préparer en secret les moyens de renverser le trône d’Anthemius. Se dépouillant alors du masque de la modération, il augmenta son armée d’un corps nombreux de Bourguignons et de Suèves orientaux, refusa de reconnaître plus long-temps la domination de l’empereur grec, marcha de Milan aux portes de Rome, et campa sur

  1. Ennodius (p. 1659-1664) rend compte de l’ambassade de saint Épiphane ; et son récit, quelque verbeux et ampoulé qu’il puisse paraître, éclaircit quelques circonstances intéressantes de la chute de l’empire d’Occident.