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dant, aussi long-temps que les suffrages du peuple conférèrent les dignités de l’état, le commandement des légions et l’administration des opulentes provinces, un sentiment d’orgueil servit à adoucir jusqu’à un certain point les rigueurs de la pauvreté, et le nécessiteux trouvait une ressource dans l’ambitieuse libéralité des candidats, cherchant par leurs largesses à s’assurer une majorité de suffrages dans les trente-cinq tribus ou les cent quatre-vingt-treize centuries dont le peuple de Rome était composé ; mais lorsque les prodigues communes eurent imprudemment aliéné leur puissance et celle de leur postérité, elles n’offrirent plus, sous le règne des Césars, qu’une vile populace qui aurait été bientôt anéantie si elle n’avait pas été recrutée à chaque génération par la manumission des esclaves et l’affluence des étrangers. Dès le temps d’Adrien, les Romains de bonne foi reconnaissaient avec regret que la capitale avait attiré dans son sein tous les vices de l’univers et les mœurs des nations les plus opposées. L’intempérance des Gaulois, la ruse et l’inconstance des Grecs, la farouche opiniâtreté des Juifs et des Égyptiens, la basse soumission des Asiatiques et la dissolution efféminée des Syriens, se trouvaient

    berent. Cicero, Offic. II, 21 ; Comment. Paul. Manut. in edit. Græv. Philippe, tribun du peuple, inséra ce dénombrement vague dans son discours, A. U. C. 649 ; et son objet, ainsi que celui des Gracques (voyez Plutarque), était de déplorer, et peut-être d’exagérer la misère du peuple.