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de cette fête devaient tirer leur origine de l’état de société qui avait précédé l’invention des arts et de l’agriculture. Les dieux qui présidaient aux travaux et aux plaisirs champêtres, Pan, Faune et leur suite de satyres, étaient tels que l’imagination des pâtres pouvait les inventer, gais, lascifs et pétulans. Leur pouvoir était limité et leur malice peu dangereuse ; et une chèvre semblait être l’offrande la plus convenable à leur caractère et à leurs attributs. On rôtissait la chair de la victime sur des broches de saule ; les jeunes hommes, qui venaient en foule à la fête, couraient tout nus dans les champs, une lanière de cuir à la main, et passaient pour rendre fécondes toutes les femmes qui s’en laissaient toucher[1]. L’autel du dieu Pan avait été élevé, peut-être par l’Arcadien Evandre, dans un endroit solitaire du mont Palatin, au milieu d’un bocage arrosé par une source d’eau vive. La tradition qui enseignait que dans ce même endroit une louve avait nourri Romulus et Remus de son lait, le rendait encore plus respectable et plus cher aux Romains ; et ce lieu agreste avait été insensiblement entouré des superbes édifices du Forum[2]. Après la conversion de Rome,

  1. Ovide (Fast., l. II, 267-452) a donné une description piquante des folies de l’antiquité, qui inspiraient alors encore un si grand respect, qu’un grave magistrat qui courait tout nu par les rues, n’inspirait ni le mépris ni la surprise.
  2. Voy. Denys d’Halycarn., l. I, p. 25-65, éd. Hudson ; les antiquaires romains Donat (l. II, c. 18, p. 173, 174),