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flotte nombreuse dans le port de Carthage ; et Genseric, quoique d’un âge très-avancé, commandait en personne les expéditions les plus importantes. Il couvrait ses desseins d’un secret impénétrable jusqu’au moment de mettre à la voile. Lorsque le pilote lui demandait quelle direction il devait prendre : « Suivez celle des vents, répondait Genseric du ton d’une dévote insolence ; ils nous conduiront sur la côte coupable dont les habitans ont offensé la justice divine. » Mais lorsque le roi des Vandales daignait donner lui-même des ordres plus positifs, les nations les plus riches lui paraissaient toujours les plus coupables. Les Barbares désolèrent successivement les côtes de l’Espagne, de la Ligurie, de la Toscane, de la Campanie, de la Lucanie, de Bruttium, de la Pouille, de la Calabre, de la Vénétie, de la Dalmatie, de l’Épire, de la Grèce et de la Sicile. La situation de la Sardaigne, placée si avantageusement au centre de la Méditerranée, leur inspira le désir de la soumettre, et ils répandirent les ravages ou la terreur depuis les colonnes d’Hercule jusqu’aux bouches du Nil. Moins jaloux de gloire que de butin, ils attaquaient rarement les villes fortifiées ou les troupes régulières ; mais la rapidité de leurs mouvemens les mettait à même de menacer presque au même instant des endroits fort éloignés les uns des autres ; et comme ils embarquaient toujours un nombre suffisant de chevaux, leur cavalerie se répandait dans le pays dès l’instant qu’ils avaient atteint la côte. Cependant, et quoique leur souverain donnât l’exem-