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compagnons d’armes, il aurait attaqué Genseric à la tête d’une armée de Romains. Une génération naissante pourrait adopter cette réforme des mœurs nationales ; mais un prince qui travaille à reculer la décadence d’une monarchie chancelante, est presque toujours forcé, pour obtenir quelque avantage immédiat, ou détourner quelque danger pressant, de tolérer ou même de multiplier les abus les plus pernicieux. Majorien fut réduit, comme le plus faible de ses prédécesseurs, à l’expédient honteux de remplacer ses timides sujets par des Barbares auxiliaires ; et il ne put prouver la supériorité de ses talens que par la vigueur et l’adresse avec laquelle il sut manier un instrument dangereux, toujours prêt à blesser la main qui l’emploie. Outre les confédérés qui étaient déjà enrôlés au service de l’empire, la réputation de sa valeur et de sa libéralité attira les Barbares du Danube, du Borysthène et peut-être du Tanaïs. Les plus braves soldats d’Attila, les Gépides, les Ostrogoths, les Rugiens, les Bourguignons, les Suèves et les Alains s’assemblèrent par milliers dans les plaines de la Ligurie, diminuant, par leurs mutuelles animosités, ce qu’on pouvait avoir à craindre de la réunion de leurs forces[1]. Ils passèrent les Alpes au cœur de l’hiver. L’empereur marchait à leur tête,

  1. La revue de l’armée et le passage des Alpes occupent la partie la moins médiocre du panégyrique, 470-552. M. du Buat (Hist. des Peuples, etc., t. VIII, p. 49-55) est infiniment plus satisfaisant dans son Commentaire que Savaron et Sirmond.