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mandé les troupes de la frontière d’Illyrie. Il donna sa fille en mariage au père de Majorien, officier respectable, qui administrait les revenus de la Gaule avec autant d’intégrité que d’intelligence, et qui préféra généreusement l’amitié d’Ætius aux offres séduisantes d’une cour perfide. Son fils, le futur empereur, après avoir été élevé dans la profession des armes, fit admirer, dès sa plus tendre jeunesse, un courage intrépide, une prudence prématurée, et une libéralité qui n’était bornée que par la modicité de sa fortune. Il suivit les drapeaux d’Ætius, contribua à ses succès, partagea et éclipsa quelquefois sa gloire, et excita enfin la jalousie du patrice, ou du moins de sa femme, qui le contraignit à se retirer du service[1]. Après la mort d’Ætius, Majorien fut rappelé et élevé en grade, et son intimité avec le comte Ricimer lui fraya le chemin qui le conduisit jusque sur le trône de l’Occident. Durant l’interrègne qui suivit l’abdication d’Avitus, le Barbare ambitieux, que sa naissance excluait de la dignité impériale, gouverna l’Italie sous le titre de patrice, céda à son ami le poste brillant de maître général de la cavalerie et de l’infanterie, et consentit, au bout de quelques mois, à satisfaire les vœux unanimes des

  1. Elle sollicita vivement sa mort et eut peine à se contenter de sa disgrâce ; il parait qu’Ætius, comme Bélisaire et Marlborough, se laissait gouverner par sa femme, et quoiqu’elle fût d’une piété assez exemplaire pour opérer des miracles (saint Grég. de Tours, l. II, c. 7, p. 162), sa dévotion se conciliait avec la bassesse et la cruauté.