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de ses cruelles et imprudentes railleries[1]. Les Romains n’étaient disposés ni à excuser ses vices, ni à reconnaître ses vertus. Les différentes nations qui composaient l’empire s’éloignaient tous les jours davantage les unes des autres, et le Gaulois était pour le peuple un objet de haine et de mépris. Le sénat réclamait son droit légitime d’élire les empereurs ; et la faiblesse d’une monarchie expirante rendait de la vigueur à l’autorité qu’il tirait originairement de l’ancienne constitution. Cependant cette monarchie, quelque faible qu’elle pût être, aurait eu peu de chose à craindre d’un sénat désarmé, si le comte Ricimer, principal commandant des troupes barbares, qui formaient presque toute la défense militaire de l’Italie, n’avait appuyé et peut-être même excité le mécontentement général. La fille de Wallia, roi des Visigoths, était la mère de Ricimer ; mais du côté paternel, il descendait de la nation des Suèves[2]. Les malheurs de ses compatriotes réveillaient son patriotisme ou blessaient peut-être son orgueil, et il obéissait avec répugnance à un empereur qu’on avait élu sans le consulter. Ses grands et fidèles services contre l’ennemi commun augmentaient sa re-

  1. Luxuriosè agere volens, à senatoribus projectus est, dit laconiquement saint Grégoire de Tours (l. II, c. 2, t. II, p. 168). Une ancienne Chronique (t. II, p. 649) raconte une plaisanterie indécente d’Avitus, qui semble plus applicable à Rome qu’à Trèves.
  2. Sidonius (Panegyr. Anthem., 302, etc.) célèbre la haute naissance de Ricimer, et fait entendre qu’elle lui donne des droits sur les royaumes des Goths et des Suèves.