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et un degré de science supérieure dans l’art tessérarien (qu’on peut regarder comme le jeu de tric-trac)[1] est un moyen sûr d’acquérir de l’opulence et de la réputation. Un maître de cet art sublime, qui, dans un souper ou dans une assemblée, se trouve placé au-dessous d’un magistrat, fait voir dans son maintien cette surprise et cette indignation qu’a pu éprouver Caton lorsqu’un peuple capricieux lui refusa son suffrage pour la préture. L’envie de s’instruire prend rarement à des nobles, qui abhorrent toute espèce de fatigue et méprisent tous les avantages de l’étude. Les satires de Juvénal, les verbeuses et fabuleuses histoires de Marius Maximus sont les seuls livres qu’ils se permettent de lire[2].

  1. Ce jeu, dont le nom peut être traduit par la dénomination plus familière de trictrac, était le passe-temps favori des plus graves Romains, et le vieux jurisconsulte Mutius-Scævola avait la réputation de le jouer très-savamment. On le nommait ludus duodecim scriptorum, en raison des douze scripta ou lignes qui partageaient également l’alveolus ou la table. On plaçait régulièrement les deux armées, l’une blanche et l’autre noire, sur cette table, et chaque armée consistait en quinze soldats ou calculi, que l’on remuait conformément aux règles du jeu et aux chances des tesseræ ou dés. Le docteur Hyde, qui détaille soigneusement l’histoire et les variations du nerdiludium, nom tiré de la langue persane, depuis l’Irlande jusqu’au Japon, prodigue sur ce sujet peu important, un torrent d’érudition classique et orientale. Voy. Syntagma Dissert. t. II, p. 217-405.
  2. Marius Maximus, homo omnium verbosissimus, qui et mythistoricis se voluminibus implicavit. Vopiscus, in Hist. August., p. 242. Il a écrit la vie des empereurs depuis Trajan