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elle est servie dans ces occasions avec l’élégance de la Grèce, l’abondance de la Gaule, l’ordre et la promptitude qu’on remarque en Italie[1]. Sa vaisselle d’or et d’argent est moins remarquable par son poids que par son éclat et la perfection du travail. Les mets, pour satisfaire le goût, n’ont point recours au luxe ruineux des productions étrangères. Le nombre et la grandeur des coupes remplies de vin distribuées aux convives sont exactement réglés d’après les lois de la tempérance, et le silence respectueux qui règne dans ces repas n’est jamais interrompu que par une conversation instructive. Après le dîner, Théodoric se livre quelquefois un moment au sommeil, et à son réveil, il demande des tables et des dés. Alors il engage ses amis à oublier le monarque, et il prend plaisir à leur voir exprimer librement les mouvemens qu’élèvent en eux les divers incidens du jeu. Lui-même, à ce jeu qui lui plaît comme l’image de la guerre, déploie alternativement son ardeur, son habileté, sa patience et sa gaieté. Toujours riant quand il perd, lorsqu’il gagne il garde un modeste silence. Cependant, malgré cette indifférence apparente, ses courtisans saisissent le moment où il est victorieux pour solliciter des faveurs, et moi-même, dans les choses que j’ai pu avoir à demander au roi, j’ai quelquefois eu lieu de me féliciter de mes per-

  1. Videas ibi elegantiam græcam, abundantiam gallicanam, celeritatem italam ; publicam pompam, privatam diligentiam, regiam disciplinam.