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souvent leurs personnes aux tortures, décidait les sujets de Valentinien à préférer la tyrannie moins compliquée des Barbares, à se réfugier dans les bois et dans les montagnes, ou à embrasser l’état avilissant de la domesticité mercenaire. Ils rejetaient avec horreur le nom de citoyen romain, autrefois l’objet de l’ambition générale. Les provinces armoricaines de la Gaule, et la plus grande partie de l’Espagne, entraînées par la confédération des Bagaudes, vivaient dans un état d’indépendance et d’anarchie ; et les ministres impériaux employaient inutilement des troupes et des lois de proscription à réduire des nations qu’ils avaient jetées dans la révolte et dans le désespoir[1]. Quand un même moment aurait vu périr tous les Barbares, leur destruction totale n’aurait pas suffi pour rétablir l’empire d’Occident ; et si Rome lui survécut, elle avait vu du moins périr sa liberté, son honneur et sa vertu.



  1. Les Bagaudes d’Espagne combattirent les troupes romaines en batailles rangées. Idatius en parle dans plusieurs articles de ses Chroniques. Salvien a décrit très-énergiquement leurs souffrances et leur révolte : Itaque nomen civium romanorum… nunc ultro repudiatur ac fugitur, nec vile tamen sed etiam abominabile pœne habetur… Et hinc est ut etiam hi qui ad Barbaros non confugiunt, Barbari tamen esse coguntur, scilicet ut est pars magna Hispanorum, et non minima Gallorum… De Bagaudis nunc mihi sermo est, qui per malos judices et cruentos spoliati, afflicti, necati, postquam jus Romanæ libertatis amiserant, etiam honorem Romani nominis perdiderunt… Vocamus rebelles, vocamus perditos quos esse compulimus criminosos. De Gubern. Dei, l. V, p. 158, 159.