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tron également incapable de reconnaissance et d’amitié, qui daigne à peine remarquer sa présence, son départ ou son retour. Lorsque les hommes opulens préparent une fête publique et populaire[1], lorsqu’ils célèbrent avec un luxe et une profusion pernicieuse leurs banquets particuliers, le choix des convives est l’objet d’une longue et pénible délibération. Les citoyens sobres, savans ou modestes, obtiennent rarement la préférence ; et les nomenclateurs, presque toujours dirigés par des motifs intéressés, insèrent adroitement dans la liste de l’invitation les noms obscurs des plus méprisables citoyens ; mais les compagnons les plus familiers des grands, ceux qu’ils chérissent le plus, ce sont ces parasites qui pratiquent effrontément le plus utile de tous les métiers, celui de l’adulation ; qui applaudissent avec

  1. Distributio solemnium sportularum. Les sportulæ ou sportellæ étaient de petits paniers qui étaient supposés contenir une certaine quantité de mets chauds, de la valeur de cent quadrantes, ou environ douze sous et demi. On les rangeait avec ostentation dans la première salle, et on les distribuait à la foule affamée ou servile qui assiégeait la porte. Les satires de Juvénal et les épigrammes de Martial font souvent mention de cette coutume peu délicate. Voyez aussi Suétone, in Claud., c. 21 ; in Neron., c. 16 ; in Domit., c. 4-7. Ces paniers de nourriture furent ensuite convertis en larges pièces d’or et d’argent monnoyées ou de vaisselles, qui étaient réciproquement données et acceptées par les citoyens du premier rang (voyez Symmaque, epist. IV, 55 ; IX, 124 ; et Miscell., p. 256), dans les occasions solennelles de mariages ou de consulats, etc.