Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/352

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fois le tour en chantant des vers à l’honneur d’un héros plein de gloire durant sa vie, invincible même à sa mort, le père de son peuple, le fléau de ses ennemis et la terreur de l’univers. Les Barbares coupèrent, suivant l’usage, une partie de leurs cheveux, se couvrirent le visage de hideuses blessures, et firent couler en l’honneur de leur intrépide général, non les larmes des femmes, mais le sang des guerriers. Le corps d’Attila, renfermé dans trois cercueils, le premier d’or, le second d’argent et le dernier de fer, fut mis en terre pendant la nuit. On ensevelit dans la même tombe quelques dépouilles des nations qu’il avait vaincues. Les captifs qui avaient ouvert la fosse furent impitoyablement massacrés, et les Huns, après s’être abandonnés à une douleur immodérée, terminèrent la fête en se livrant, autour du sépulcre, à tous les excès de la joie et de la débauche. On prétendit à Constantinople, que, dans la nuit fortunée qui en délivra l’empire, Marcien avait cru voir en songe se briser l’arc d’Attila. Cette tradition pourrait servir à prouver que le redoutable roi des Huns occupait souvent l’imagination des empereurs romains[1].

    cette hémorrhagie en quarante vers pompeux, et fait dire à Attila avec une fureur ridicule :

    … S’il ne veut s’arrêter (son sang),
    (Dit-il) on me paiera ce qu’il va m’en coûter.

  1. Jornandès (c. 49, p. 684, 685) raconte les circonstances curieuses de la mort et des funérailles d’Attila ; et il y a lieu de croire que Priscus les a rapportées d’après lui.