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sa naissance, l’espoir de la génération suivante. Dans l’exercice de la juridiction domestique, les nobles de Rome montrent la plus délicate sensibilité pour toute injure qui leur est personnelle, et une indifférence dédaigneuse pour tout le reste du genre humain. Demandent-ils un vase d’eau chaude, si l’esclave tarde à l’apporter, trois cents coups de fouet le corrigent de sa lenteur ; mais si ce même esclave commet un meurtre volontaire, son maître observe avec douceur que c’est un fort mauvais sujet, et l’avertit que s’il récidive, il le fera punir comme il le mérite. Les Romains exerçaient autrefois la vertu de l’hospitalité : tout étranger, soit que ses titres fussent fondés sur le mérite ou sur le malheur, obtenait de leur générosité secours ou récompense. Qu’on introduise aujourd’hui un étranger, même d’une condition honnête, chez un de nos riches et orgueilleux sénateurs, il sera, à la vérité, bien reçu à sa première visite, et même avec de si vives protestations d’amitié et des questions si obligeantes, qu’il se retirera enchanté de l’affabilité de son illustre ami, et désolé peut-être d’avoir différé si long-temps son voyage à la capitale, le centre de la politesse aussi-bien que de l’empire. Assuré d’une réception gracieuse, il répète le lendemain sa visite, et s’aperçoit avec mortification que le sénateur a déjà oublié sa personne, son nom et son pays. S’il a le courage de persévérer, il se trouve insensiblement classé dans le nombre des cliens, et obtient la stérile permission de faire assidûment et inutilement sa cour à un pa-