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leurs galères dorées le trajet du lac Lucrin[1] jusqu’à leurs magnifiques maisons de campagne situées sur la côte maritime de Putéoli ou de Cayète[2], ils comparent ces pénibles travaux aux marches de César et d’Alexandre. Si cependant une mouche se hasarde à se poser sur les rideaux de soie de leurs pavillons dorés, si un pli mal fermé laisse passer un rayon de soleil, ils déplorent le malheur de leur situation, et se lamentent dans un langage affecté de n’être point nés dans le pays des Cimmériens[3],

  1. Le changement du mot Averne, de sinistre signification, qui se trouve dans Ammien, est de peu de conséquence. Les deux lacs Averne et Lucrin se communiquaient, et ce fut de ces deux lacs qu’au moyen des prodigieux moles d’Agrippa, fut fait le port Julien, dont l’étroite entrée donnait dans le golfe de Pouzzole. Virgile, qui demeurait sur les lieux, a décrit (Georgic. II, 161) cet ouvrage au moment de son exécution. Ses commentateurs, principalement Catrou, ont tiré beaucoup de lumières de Strabon, de Suétone et de Dion. Des tremblemens de terre et des volcans ont changé la face du pays, et le mont Nuovo a pris depuis 1538 la place du lac Lucrin. Voy. Camillo Pellegrino, Discorsi della Campania Felice; p. 239-244, etc. ; Antonii Sanfelicii, Campania, p. 13-88.
  2. Les regna Cumana et Puteolana ; loca cæteroqui valdè expetenda, interpellantium autem multitudine pæne fugienda. Cicero, ad Attic. XVI, 17.
  3. L’expression proverbiale d’obscurité Cimmérienne a été originairement empruntée d’une description d’Homère (onzième livre de l’Odyssée), qu’il applique à une contrée fabuleuse sur les rives éloignées de l’Océan. Voyez Erasmi Adagia, dans ses Œuvres, t. II, p. 593, édit. de Leyde.