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bliant et leur propre dignité et celle de leur pays, se livrent sans pudeur aux excès du vice et de l’extravagance. Disputant entre eux de vanité et de puérilité dans le choix de leurs titres et de leurs surnoms, ils adoptent ou inventent des noms sonores et pompeux, Reburrus ou Fabunius, Pagonius ou Tarrasius[1], afin de frapper la foule crédule d’étonnement et de respect. Dans la vaine espérance de perpétuer leur mémoire, ils multiplient leurs statues en bronze et en marbre, et ne sont point contens que ces monumens de leur vanité ne soient couverts de lames d’or ; distinction honorable que le consul Acilius obtint le premier, après avoir détruit, par sa valeur et son habileté, la puissance du monarque Antiochus. L’ostentation avec laquelle ils exposent aux regards et enflent peut-être l’état du revenu de leurs domaines situés dans toutes les provinces de l’Orient et de l’Occident, excitent justement l’indignation, lorsqu’on se rappelle la valeur et la pauvreté de leurs ancêtres, qui ne se distinguaient du simple soldat ni par la nourriture, ni par l’habille-

  1. Les recherches les plus exactes des antiquaires ont été insuffisantes pour vérifier ces noms extraordinaires. Je suis persuadé qu’ils ont été inventés par l’historien lui-même, pour éviter toute application de satire personnelle. Toujours est-il vrai que les Romains, long-temps désignés par un seul nom, vinrent par degrés à adopter l’usage d’ajouter à leur nom propre quatre, cinq et même jusqu’à sept pompeux surnoms, comme, par exemple, Marcus-Mæcius-Mæmmius-Furius-Balburius-Cæcilianus-Placidus. Voy. Noris. Cenotaph. Pisan. Dissert. IV, p. 438.