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scène, dont l’usage pourrait être regardé comme une école de vertus militaires, succéda une farce qui dégradait la nature humaine. Deux bouffons, l’un Maure et l’autre Scythe, excitèrent la gaîté des spectateurs par leur figure difforme, leur habillement grotesque, leurs gestes et leurs discours ridicules, et le mélange inintelligible des langages des Scythes, des Goths et des Latins. Au milieu des bruyans éclats de rire dont retentissait la salle, et de la débauche à laquelle on se livrait de toutes parts, Attila seul, sans changer de contenance, conserva son inflexible gravité jusqu’à l’arrivée d’Irnac, le plus jeune de ses fils. Il l’embrassa en souriant, lui caressa doucement la joue, et décela sa préférence pour un enfant que ses prophètes assuraient devoir être un jour le soutien de sa famille et de l’empire. Les ambassadeurs reçurent le surlendemain une seconde invitation, et eurent lieu de se louer de la politesse et des égards d’Attila. Le roi des Huns conversa familièrement avec Maximin ; mais cet entretien était souvent interrompu par des expressions grossières et des reproches hautains : le monarque soutint avec un zèle peu décent les réclamations de son secrétaire Constance. « L’empereur, dit Attila, lui promet depuis long-temps une épouse opulente ; il faut que Constance obtienne satisfaction, et qu’un empereur romain ne coure pas le

    t. V, p. 24), c’était la coutume chez les Scythes, lorsqu’ils se livraient aux plaisirs de la table, de réveiller leur valeur martiale en faisant résonner la corde de leur arc.